Article du carnet de bord

Soleils de Barcelone

Devant le CCCBarcelona

  Déjà à Toulouse le soleil était avec nous pour fêter le Carnaval de la ville, en passe de devenir l’un des plus importants du territoire. Mais avant de participer aux festivités, les Ailes ontvisité le Musée des Abattoirs. Accueillis par le Président de l’association qui gère le Musée, par ailleurs siège du FRAC Midi-Pyrénées, une partie de nos amateurs a suivi la visite de  l’exposition TAPIÈS proposée par un médiateur passionné : avant d’affronter l’œuvre du maître dans son environnement catalan, il s’agissait de se familiariser avec une symbolique aussi diversifiée que les matériaux utilisés auxquels s’ajoutent l’empreinte du corps et la trace du geste.

 

Le voyage s’est poursuivi  de l’autre côté des Pyrénées enneigées ; premier contact avec la vie artistique de Barcelone, le MACBA (Musée d’Art Contemporain de BArcelone), édifié par  Richard Meier à l’aube du millénaire : des espaces immaculés, une belle lumière, des circulations faciles, une collection qui n’a certes pas l’envergure des grands musées occidentaux comme notre Musée National d’art moderne mais séduit par sa diversité et la fraicheur de certaines œuvres. Pour n’en citer que quelques-unes, une vidéo de Pedro Romero suivant Israel Galvan à domicile dansant le flamenco entre son frigo et son lavabo, ou un tableau de Dieter Roth L’infortune des motocyclistes, une œuvre à base de chocolat, ou encore la vidéo Cabaret Crusades  de Wael Shawky en rapport avec l’ouvrage d’Amin Maalouf (Les croisades vues par les arabes - à revoir sur youtube), un travail qui date de quelques années mais d’une grande actualité, déjà montré à Kassel ou à New York, nous le rappelle Pascal ! Le MACBA a aussi ouvert en face une galerie d’essai  avec une exposition consacrée à José Antonio Hernandez-Diez, I will fear no evil : des installations quelquefois hermétiques mais souvent amusantes, à l’image du Tombeau d’Annabel Lee, réalisée à partir d’une nouvelle d’Edgar Poe. Et alentour, sur des murs extérieurs, se déroule une pièce de Keith Haring à laquelle répond un Chillida en noir et blanc.

Petite traversée de la rambla, centre névralgique de Barcelone, pour rejoindre la Fondation Sunol qui présentait une exposition Dialogues en regard faisant la part belle aux artistes catalans, Tapiès bien sûr mais aussi Jaume Plensa, de la génération suivante et dont les têtes monumentales et mélancoliques émaillent la ville et en particulier le Palau de la Musica, Jordi Colomer… Quittant le centre historique de la ville, nous avons gagné au pied de la colline de Montjuic la Caixaforum ; installée dans une ancienne fabrique de textiles en coton édifiée par le Viollet-le-duc catalan Puig i Cadafalch au début du 20ème siècle,  restaurée par la banque au tournant du millénaire, la Caixa y présentait deux expositions remarquables : la collection Philips d’Impressionnistes et Modernes, d’Ingres à Picasso en passant par Degas et Manet, et  Gestes iconoclastes et images hétérodoxes qui permettait de retrouver quelques œuvres fondamentales comme  House de Vetti II de Robert Morris (1983).

Le lendemain, re-découverte de l’œuvre du peintre de Malaga adopté par la France et la Catalogne dans son musée tout proche du quartier d’Avignon (celui des Demoiselles), de l’école d’art et des cafés qu’il fréquenta à Barcelone. Et le plaisir de voir enfin rassemblée la série des 58 dessins, ébauches, interprétations des Ménines d’après Velasquez. Après le musée Picasso, retraversons la rambla pour rejoindre le CCCB (Centre de Culture Contemporaine de Barcelone) qui accueille une exposition présentée déjà il y a peu à Bilbao, Making Africa. Conçue par Okwui Enwezor (commissaire de la documenta 11 et de la Biennale de Venise 2015), elle témoigne de la vitalité de la création africaine actuelle dans tous les domaines : délicieux films d’animation en vidéo, photographies reprenant les schémas de composition  des ainés (Seydou Keita ou Malick Sidibé) pour mieux les détourner, design et stylisme à l’avenant, et belle pièce du ghanéen El ANATSUI qui n’est plus à découvrir, avec ses superbes tentures réalisées à partir de capsules de bouteilles ou comme ici de canettes de boissons recyclées.

Pour notre dernier jour à Barcelone, nous avons retrouvé TAPIÈS en sa fondation ; malgré l’ancienneté des pièces présentées, quelques amateurs sont décontenancés par l’abstraction des œuvres ; elles trouvaient pourtant leur place en regard des pièces de la collection Cordier habituellement présentées à Toulouse et présentées ici en échange d’œuvres de Tapiès abondant l’exposition du musée des Abattoirs. La sélection proposée fait une large part à la création des années 50 ou 60 et a produit une certaine nostalgie chez les amateurs ailés, comme ces images du peintre Mathieu en pionnier du street art.

Pour clore cette escapade en terre catalane, nous avons été reçus à la galerie Carles Taché par Charly en personne ; dans ce quartier en contrebas de Montjuic en passe de devenir le quartier des galeries, au sud de Poble nou où se développe une culture alternative développée par des artistes fréquentant aussi les  lieux de formation (Conservatoire, Institut d’art...), Charly dispose d’un espace tout de blancheur actuellement consacré à Bosco SODI et d’une galerie d’essai  où il présente de jeunes artistes tels Adrianna WALLIS : Adrianna est une française qui vit entre Grenoble et Barcelone où elle s’est installée à la suite d’une résidence en Catalogne : un travail tout en finesse entre tradition des outils (tricot, crochet) et modernité des supports (vidéo, photo…). Dans son grand bureau, Charly nous a montré quelques pièces remarquables disponibles à la vente, comme des peintures de Sean SCULLY, et d’autres plus personnelles offertes par les artistes et qui témoignent de la relation qu’entretient Charly avec ses amis les artistes : une atmosphère chaleureuse renforcée par la bienveillance de Charly qui a fait l’effort de nous entretenir de son métier et de sa passion en français, bien que se défendant de le parler aisément !

Toutes ces pérégrinations dans Barcelone avaient  l’avantage de nous faire percevoir l’ambiance particulière de la vile, capitale culturelle depuis le 19ème siècle et lieu d’épanouissement d’artistes en tout genre : architectes de Gaudi à Calatrava en passant par Puig I Cadafalch et  Bofill, plasticiens de Picasso à Plensa  et de Miro à Tapiès… Sans oublier DALI puisque nous nous sommes arrêtés au retour au Teatro-Museu Dali de Figueres : au-delà du délire « dalinien », on redécouvre à chaque fois quelques dessins remarquables comme le portrait de Picasso ou même des œuvres étonnantes de sa collection personnelle, comme la série de dessins de Piranese (Les Prisons de Rome). Chacun a pris le temps de s’arrêter au gré de ses affinités qui à la fondation Miro, qui au musée diocésain consacré à Gaudi, voire à la charmante église Sant Pau qui ramène au passé villageois de Barcelone il y a neuf siècles, ou encore dans le quartier tout récent édifié depuis les JO (Tour de J.Nouvel, « Agrafeuse »…) et déjà habité par des ateliers d’artistes et street-artistes, que Catherine a visité.

Cette effervescence (associée au soleil et à la situation géographique, proche de la mer et de la montagne)  explique l’attractivité de Barcelone auprès de jeunes artistes comme Adrianna WALLIS

Dernière escale avant de retrouver la pluie à Poitiers, le CAPC à Bordeaux ; l’artiste portugaise Leonor ANTUNES qui investit la nef de l’entrepôt Lainé n’a peut-être pas convaincu totalement les amateurs ailés, il faut dire que le lieu, magnifique, est immense. Mais heureuse découverte pour la plupart d’entre eux, l’œuvre et la vie de Judy CHICAGO, pionnière des mouvements féministes dans les années 50, a suscité plus que de l’intérêt.

Nous retournerons en Espagne en octobre prochain pour découvrir une autre capitale culturelle, celle de 2016, San Sebastian, et la vie artistique du pays basque à Bilbao : gageons que nos impressions ne seront pas les mêmes qu’en Catalogne, étant donné l’histoire politique et la conjoncture économique différentes !