Article du carnet de bord

À Paris, le Triomphe de Christo !

dessin Philippe Bertrand

Non, Les Ailes du désir ne sont pas devenues claustrophobes pour cause de crise sanitaire, un évènement comme l’empaquetage de l’Arc de Triomphe en a rassemblé une bonne vingtaine pour une escapade parisienne.

Auparavant, pour une mise en jambes et en vue, quelques visites pour d’autres manifestations artistiques. Un peu de liberté samedi pour un parcours dans le Marais : chacun à son rythme a trouvé de quoi s’étonner, réfléchir, sourire quelquefois, et vivre de nouvelles aventures artistiques. La nouvelle Samaritaine offre un décor magnifiquement restauré  pour attirer les consommateurs, quitte à le parsemer d’alibis artistiques, comme Kazuyo Sejima, sculpture de Xavier VEILHAN, artiste que nous avions rencontré à Venise en 2017 en tant qu’invité du pavillon français. Remontant vers les Halles, c’était l’occasion de revoir quelques portraits de Marocains de Leila ALAOUI accrochés à l’église St-Merri avant de découvrir à la galerie Natalie Obadia le travail remarquable de Robert KUSHNER en son Jardin sauvage.

Au-delà du Centre Pompidou la galerie Templon nous proposait une expérience inédite, la visite d’une exposition, des sculptures de Prune NOURRY, dans le noir ! Il faut dire que l’artiste a réalisé ces portraits de malvoyants les yeux bandés pour être au plus près d’eux, et que c’est grâce au toucher que nous découvrons les œuvres, rendus nous aussi aveugles le temps d’une visite. Drôle d’expérience, nous n’en avons jamais eu de comparable si ce n’est la présentation du musée Kolumba à Cologne entièrement vidé d’œuvres à l’occasion de ses 10 ans !

 

Rendez-vous en début d’après-midi à la Bourse du commerce, fief de la collection Pinault. Organisée comme le Palazzo Grassi à partir du grand hall où fond – très doucement ! – une réplique en cire de L’Enlèvement des Sabines, groupe sculpté maniériste italien, œuvre du suisse Urs FISHER, l’exposition inaugurale nous permet de retrouver des artistes dans un cadre nouveau – Maurizio CATTELAN et son escadrille de pigeons empaillés postés juste sous la coupole, Luc TUYMANS, Cindy SHERMAN, Thomas SCHÜTTE, Claire TABOURET que nous avions découverte en Avignon en 2018 où elle avait réalisé l’affiche du Festival, où encore Lili REYNAUD-DEWAR, croisée à plusieurs reprises dans des biennales et fille de Daniel Reynaud poète poitevin (nommée pour le Prix Marcel Duchamp 2021, son installation Rome, 1er et 2 novembre 1975, sera présentée au Centre Pompidou jusqu'en janvier 2022),  et bien d’autres – et d’en découvrir d’autres comme Ryan GANDER, auteur de la souris animatronique qui bavarde sans cesse devant les ascenseurs.

 

Quelques-uns ont repris le parcours initié dès la fin de matinée pour visiter galeries, musées ou expositions diverses, malgré les difficultés qu’entraîne le contexte sanitaire : dans la plupart des cas une réservation préalable online est requise. Mais certains ont pu malgré tout visiter la première exposition monographique consacrée à l’artiste ghanéen EL  ANATSUI à la Conciergerie, ou l’intervention de Damien DEROUBAIX au Musée de la Chasse et de la Nature. Seule la Fondation Vuitton avec la collection Morozov qui y est  présentée a eu raison de l’énergie de nos amateurs ailés, ce sera pour une autre fois !

En route pour la salle Favart, théâtre de l’Opéra-comique qui présente Fidelio, l’unique opéra de Beethoven, sous la direction de Raphael Pichon avec son Ensemble Pygmalion et mis en scène par Cyril TESTE, connu pour lier intimement théâtre et video (à Poitiers, Electronic city, Nobody, Festen) et dont La Mouette sera présentée au TAP en mai prochain. Mauvaise nouvelle au départ, la chanteuse du rôle-titre, malade, n’est pas en mesure de chanter le rôle ! Mais en fin de compte une expérience intéressante : elle assume le rôle en tant qu’actrice pendant qu’une autre cantatrice chante depuis la fosse, et c’est une réussite ! L’équipe de création fait d’ailleurs un triomphe, que ce soit pour la direction musicale, la mise en scène ou les voix lyriques.

De bon matin dimanche (enfin, rendez-vous à 11h !) nous nous retrouvons sur une place de l’Etoile exceptionnellement débarrassée de voitures pour voir le dernier projet de CHRISTO, l’empaquetage de l’Arc de triomphe, qui prend avec la mort récente de l’artiste une valeur testamentaire. Temps nuageux qui donne au monument couvert de sa bâche tissée d’aluminium et de fil bleu une infinité de tons gris ou bleutés qui vire à l’argenté lorsque le soleil vient le caresser. L’occasion de réaliser des photos ou même des croquis, comme Philippe. Mais surtout de passer un bon moment dans une ambiance bon enfant, on est venu en famille ou entre amis pour une telle occasion !

Dernier rendez-vous avant le retour à Poitiers au Palais de Tokyo, haut lieu de la création contemporaine. Au passage avant la visite de l’exposition d’Anne IMHOF, il est possible de visiter les collections du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, tout à côté, et même de tenter de réserver pour l’exposition d’Anni et Josef ALBERS présentée au Musée. Au Palais de Tokyo, Anne IMHOFa eu carte blanche pour investir les lieux, et quels lieux ! L’espace est immense (3 hectares !), et resté quasiment dans l’état où il était lorsque le Ministère de la Culture a décidé de son usage pour le développement de l’art contemporain. Anne Imhof, artiste allemande titulaire du Lion d’or de la Biennale de Venise 2017 pour son installation/performance Faust, a choisi de mettre en valeur le Palais de Tokyo et ses espaces en y créant des ambiances, des atmosphères, ses Natures mortes ​; elle a invité pour cela une vingtaine d’artistes, de Cy TWOMBLY à Sigmar POLKE en passant par Joan MITCHELL ou Wolfgang TILLMANS… On est quelquefois oppressé, surtout dans les bas-fonds de l’édifice, mais souvent on respire, et après ces mois difficiles, on espère respirer de plus en plus !

 

Retour gare Montparnasse en pensant à tout ce qu’on a vu et à tout ce qui reste à voir… Mais à Paris, il y a tant de choses à voir !

Christo emballe l'Arc de Triomphe

Crédits photos: 

© ass. Les ailes du désir