Article du carnet de bord

De Corbu à la Biennale de design

avec Philippe Richard, galerie Ceysson

Pour les amateurs ailés, ce week-end de l’Ascension à Lyon et St-Étienne s’est révélé plein de surprises et de découvertes !

Premier arrêt à Lyon pour la visite à la Sucrière de l’exposition Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps : un aperçu condensé du mouvement hyperréaliste qui s’est développé à partir des années 60 aux Etats-Unis. Réalité, art, ou copie ? Les artistes cherchent à offrir une illusion parfaite du corps humain, et à tendre un miroir au visiteur. Les avis de nos amateurs sont partagés : certes cette illusion de la réalité est bluffante, mais dans quel but ? Pour un Maurizio CATTELAN qui ne se contente pas de reproduire mais, comme il en a l’habitude, provoque, ironise et critique, que penser des belles sculptures de Carole FEUERMAN, collection de pin-ups en maillot de bain ? Si Erwin WURM redéfinit la notion de sculpture en construisant un univers absurde, donnant vie aux objets et se servant des 

corps comme de simples accessoires, la perfection technique des œuvres de Sam JINKS  rendue possible par l’utilisation du silicone et de la fibre de verre le relie à une tradition classique voire académique. Même l’œuvre de Berlinde de BRUYCKERE présentée ici ne parvient pas au niveau d’humanisme et de vulnérabilité de la plupart des œuvres que nous avons déjà vues de l’artiste. Mais dans l’ensemble de l’exposition, nous avons rencontré des œuvres déroutantes, inattendues et souvent amusantes, qui donnent l’occasion de se questionner !

Découverte au crépuscule de la ville de St-Étienne : nous sommes surpris de découvrir une belle ville avec un patrimoine témoignant de l’opulence de la cité au cours des âges, des immeubles classiques aux constructions art déco. Et enfin arrivée le lendemain à la Cité du design où se tient la Biennale internationale de design, à côté de l’École nationale d’art et du design et du Centre des savoirs pour l’innovation de l’Université ; nous commençons notre visite en compagnie d’une étudiante de l’École nationale de design, forcément engagée ! L’occasion d’entamer le débat… Il faut dire que nous ne nous attendions pas à une telle exposition ; oublions Ikea et les rayons d’"objets design" des magasins, ces designers-là ont une autre ambition, celle de refaire le monde ! Alors leurs préoccupations tournent autour du recyclage, d’une utilisation des matériaux vertueuse, de la notion d’économie d’énergie qui doit être présente de la conception à l’utilisation en passant par la production… Et ils travaillent pour l’avenir, nous invitant à découvrir les "Bifurcations" qui changeront notre regard sur le monde : grâce aux transports, avec le vélo fabriqué en bambou et fibres de lin, la voiture si légère qu’on peut la porter sous le bras et la ranger dans sa maison ; grâce aux innovations, comme la brique de terre et de paille, le savon fabriqué avec les restes d’huiles et de graisses de cuisine ; grâce à la mode, comme la brique textile fabriquée avec nos vieux vêtements qui ne peuvent plus être transformés ou la brique issue de champignons… Invité d’honneur pour cette édition, l’Afrique, qui a commencé à "bifurquer" et à imaginer des solutions pour le changement, nous donne des leçons !

Nous retrouvons ensuite Philippe RICHARD– installé maintenant dans la région de St-Étienne, il a été un des fondateurs des Ailes du désir à Poitiers -, et Claire PEILLOD, directrice du développement de la Cité du design, qui retrace pour nous les enjeux, l'actualité et l’importance de la Biennale.  À la lumière de ses explications nous poursuivons notre parcours stéphanois, merci Claire et Philippe pour ces petits cailloux qui nous ont éclairés et guidés ! Le Musée d’art moderne et contemporain a été le premier musée de cet ordre à être implanté en région en 1986, sous la direction de Bernard Ceysson, et réunit maintenant une collection de près de 20000 œuvres dont certaines sont présentées sous le titre de Double Je,  mettant en parallèle des pièces du musée avec celles de la collection Durand-Dessert, comme de grandes pièces très colorées de Gerhard RICHTER. Le musée propose aussi une rétrospective de l’œuvre du photographe allemand Thomas RUFF, Meta-photographie ; si nous connaissions les œuvres emblématiques du travail de l’artiste –Intérieurs, Portraits – depuis l’exposition présentée par Alain Fleig à Poitiers La jeune photographie allemande, nous sommes étonnés par l’ampleur des recherches sur le medium photographique que mène Thomas RUFF depuis : au point qu’il n’utilise plus que des images préexistantes qu’il manipule, poursuivant son questionnement sur le statut des images et l’objectivité photographique.

La galerie Ceysson-Bénétière propose une vaste exposition consacrée à Bernard PAGÈS, Mouvoir : sculptures en bois, grillage, granit, ciment coloré, bois calciné, os, plexiglas, bidons, brique, terre, tôle ondulée, plâtre… dans un espace qui a presque tout d’un musée ! Autre espace utilisé pour des expositions, La Serre, dominant la ville dans un cadre bucolique, qui présente Le Jardin et l’eau, une installation composée par Emmanuel LOUISGRAND à Dakar.

Nous ne pouvions pas quitter la région sans visiter tout ce qu’a fait LE CORBUSIER : Firminy, le plus important centre urbain inspiré par lui en Europe, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, et le couvent de La Tourette.

En route pour Firminy : découvrons d’abord l’église, puis à côté la piscine ; le stade s’étale devant l’église et en face nous trouvons la Maison de la culture. Des lignes fortes, des couleurs vives, et à l’intérieur un extraordinaire jeu de lumières. Des innovations de la plus grande simplicité (huisseries sobres, fenêtres et volets étroits en meurtrières), qui rejoignent celles de la biennale de design ! La lumière pénètre par les pans ondulatoires au rythme des tempi définis par XÉ​NAKIS. La toiture incurvée en structure tendue de la Maison de la culture lui donne l’apparence d’une immense voilure en dur, tandis que la forme de l’église en fait une véritable sculpture.  Tous ces éléments, nous les retrouverons bien sûr le lendemain au couvent de La Tourette. Un frère dominicain nous y accueille, nous rappelle l’histoire du lieu, et nous entraîne dans une déambulation propice à la réflexion et à la sérénité ; il nous donne même l’occasion d’expérimenter les ouvertures et fermetures de portes ou de volets pour apprécier les trouvailles de l’architecte !

Nous rentrons à Poitiers la tête pleine d’images somptueuses ; sans oublier le repas dans une brasserie traditionnelle lyonnaise pour goûter quelques spécialités gastronomiques de la région…